Le croque-mort
Echu nonagénaire, échoué grabataire
Un homme vit un jour dans sa demeure austère
Débarquer un huissier par l’Etat mandaté
Afin d’inventorier ses biens, noter, compter
L’argent que l’on pourrait à sa mort immanente,
Certes inéluctable et peut-être imminente
De ses biens au soleil, ou cachés, extirper
De son futur cadavre expurger, extriper.
La perquisition se révéla féconde
Tant en secrets d’alcôve à l’heure moribonde
Qu’en documents douteux en classeurs « Top secret »
Benoîtement livrés à l’homme au couperet.
Sur ces trésors le monstre a tôt fait patte basse
Vie publique ou privée, imprimés, tout y passe,
Fertile est la moisson. Heureux, tout souriant,
Le messager du fisc haut promu se voyant
Déjà, quitte les lieux, un au revoir grommelle,
Rêvant promotion et présents à la pelle
Pour lui-même. Et mort prompte au futur macchabée
Qui vient de le subir, ahuri, bouche bée.
Au fait, ces yeux fixés déjà sur l’au-delà
Et cette bouche ouverte, inerte que voilà
Ne seraient-ils pas moi signe d’heureux présage
Que la mort vient déjà d’exaucer sans ambages
Mon vœu d’être demain au juste rang promu
Conforme à mon mérite ? Et j’en suis tout ému.
Allons, quittons ce lieu, faisons belle figure.
La mort de ce quidam m’est de fort bon augure.